Smartphone

Les objets connectés Vs l’eau et le feu

La déferlante des objets connectés, IOT [The Internet Of Things] donne à penser aux plus impatients des Geeks, que nous serions en passe de nous décharger à très court terme, et sans dommages collatéraux ni effets pervers, de multiples tâches et contraintes de la vie quotidienne. La raison d’espérer n’est pas délirante car elle est soutenue par plusieurs scientifiques de renom tel Gartner qui prédit 26 milliards d’IOT d’ici 2020 ou encore ABI Research qui estime qu’ils seront plus de 30 milliards d’ici 2020.

Pourquoi pas ! Mais avant cela, il faudra quand même avoir résolu le problème de la limite d’adressage de l’IPV4 [seulement 4.3 milliards d’adresses IP uniques], par la mise en œuvre de l’IPV6 qui, avec des adresses plus longues codées sur 16 octets, offrira un adressage théorique quasi illimité. A cela il faudra, avec le temps, ajouter quelques gouttes d’informatique quantique, la spintronique moléculaire, histoire de ne pas manquer de vitesse de calcul ni de place de stockage !

Mais une problématique semble dès aujourd’hui beaucoup plus complexe encore à résoudre. En effet, pour des raisons décrites ici, il faudra s’ingénier dans une relative urgence, à rendre ‘interdépendants’ et ‘interopérables’ des objets qui auront été conçus spécifiquement pour ne pas le devenir.

C’est le mariage de l’eau et du feu, une forme de quadrature du cercle, comme un défi que la science se lance à elle-même.

Connectivité Vs Interdépendance Vs Interopérabilité :

Les objets connectés se développent très vite et à profusion. Nous commençons à les utiliser tous les jours un peu plus et ce n’est qu’un début. Les vecteurs de transmission des signaux de commandes aux actionneurs sont fiables, parfaitement désignés, et ne cessent d’évoluer [Lire la publication de @Anouz relative au Bluetooth 4.2. Il en va de même avec la qualité des réseaux des opérateurs de téléphonie qui accroissent sensiblement leurs performances, et lentement leur fiabilité.

Mais si la connectivité ‘linéaire unique’ de type smartphone > objet, ou actionneur-dédié > objet, est une chose, l’interdépendance et l’interopérabilité entre les multi-systèmes génère des problématiques multifactorielles très complexes à maîtriser.

L’interdépendance

L’interdépendance induit une hiérarchisation des tâches entre plusieurs objets connectés. Car de toute évidence, si nous aurons une action directe sur 1 actionneur donné, par exemple la commande de chauffage à distance, d’autres actionneur s’activeront en même temps par effet induit. Dans cet exemple, l’allumage du chauffage ne devra pas entraîner le lancement ‘induit’ de la climatisation pas plus que la descente des auvents extérieurs [les effets réciproques devant en plus être pris en compte]. Ce raisonnement a été poussé à l’extrême sur la base du taux d’équipement des foyers américains moyens standards et donne des résultats surprenants, à lire plus avant.

L’interopérabilité

L’interopérabilité induit quant à elle, la définition impérieuse d’un standard commun [entre les actionneurs et les multiples [futurs] objets connectés] dans un secteur où chaque fabricant défend bec et ongle son pré carré industriel. La pensée industrielle unique qui prévaut aujourd’hui est de dire 1 actionneur spécifique pour 1 objet connecté… on sent poindre la difficulté !

Nous connaissons tous, l’embarrassante multiplication des télécommandes ‘TV, Box, Sound Bar, éclairage, Climatisation, alarme, etc., où, en plus Geek, mais tout aussi pénible à utiliser, la multiplication des applications smartphones dédiées à chaque type d’appareil Cf. le test de la prise connectée de GLG.

Explication :

Nous sommes légitimes à désirer que nos vies soient rendues plus faciles en laissant procéder des objets connectés plutôt qu’à procéder par nous-mêmes, ce qui est synonyme d’efforts et de pénibilité au moins pour les tâches répétitives. Baisser ou lever des stores à la main ou via des moteurs électriques mis en œuvre par un actionneur activé au départ d’une télécommande dédiée ou d’un smartphone, ce qui objectivement revient au même, ne demande ni le même temps ni les mêmes efforts, et la notion de confort est ressentie de façon évidente.

Il en sera de même avec tous process technologiques qui chercheront à notre place ‘des raisons objectives d’agir’, sauront nous guider, nous informer, nous protéger, nous conduire, nous parler, assurer notre surveillance via de multiples formes de contrôles notamment, et ceci d’autant plus que l’ensemble de ces actions peut et pourra de plus en plus s’exercer à distance pour une meilleure efficience.

Or, comme déjà dit, il est constant que tous les actionneurs ne fonctionnent généralement qu’en mode linéaire unique et de façon individuelle, aucun parmi eux n’ayant été conçu pour travailler de façon cohérente avec d’autres systèmes. Nous retrouvons ici la persistante guerre des marques sensée offrir un choix au consommateur ! Choix de dupes, nous en sommes tous conscients, mais sans alternatives.

Un store électrique pourra être asservi à un vitrage ‘électrochrome’ s’opacifiant automatiquement à partir d’un degré prédéfini de lux [flux lumineux reçu par unité de surface]. Les 2 systèmes sont parfaitement complémentaires, mais lequel viendra décider qu’un soudain assombrissement par temps d’orage n’est pas signifiant de la nuit ? Les 2 process décrits sont simples évidemment et l’on constate qu’ils sont interdépendants l’un de l’autre mais que leur interopérabilité est fortement sujette à caution, car la hiérarchisation des actions n’est pas définie entre des devices issus de fabricants différents et par définition, non ‘compatibles’.

Voilà qu’on se surprend à penser et à dire que les problématiques exposées sont évidentes ; certes, mais il reste encore à inventer l’interface, et plus précisément les algorithmes, qui auront été dotés d’une capacité de discernement et/ou de hiérarchisation que les automates ne possèdent pas, eux, de façon individuelle. Et si l’on multiplie le principe du raisonnement par l’absurde, on obtient des situations très délicates à cogérer, ce qui est un comble pour des systèmes en charge de nous rendre la vie plus douce !

Dans ce cas, que subsiste-t-il de l’aide ou de l’assistance sollicitée si les systèmes connectés ne peuvent agir qu’isolément et sans capacité d’interopérabilité ?

Génération spontanée et imprévue

La technologie des objets connectés est impressionnante, mais il s’avère bien qu’au final elle ne sache générer que des objets qui s’ignorent, allant parfois, en prime, jusqu’à se contredire. Ce chaos technologique génère une situation étonnamment anachronique en forme de ‘sous-produit mou’ induit par l’innovation elle-même.

Dès lors, la création ex abrupto d’un nouveau métier ‘d’intégrateurs systèmes’ susceptibles de rendre compatible la multitude d’objets ‘indépendants’ par voie hardware ou logicielle semble inéluctable.

Dans cette affaire, les fabricants ne sont pas à blâmer totalement pour les travers de leurs productions aux systèmes volontairement erratiques. Chacun cherche à simplement survivre dans la course effrénée au développement des IOT, ce qui n’est pas chose facile. Alors chaque enseigne utilise et cherche à imposer ses propres technologies.

Les enjeux financiers sont colossaux, car selon les chercheurs spécialisés, à l’exclusion des ordinateurs, tablettes et autres smartphones, les objets connectés atteindront environ 26 milliards d’unités installées en 2020 pour les seuls USA.

Le phénomène décrit n’est pas nouveau car l’informatique nous a bercés dans l’incompatibilité Mac/PC qui a fait naître des légions de tribuns dans de multiples forums en forme de barricades… Jusqu’à ce que les industriels et les intégrateurs fassent fi de cette guerre devenue plus marketing que technologique.

Et très vite de grosses maisons comme Adobe ou encore Microsoft [il y en a beaucoup d’autres], se sont mises à produire à profusion des suites graphiques et bureautiques multiplateformes, pour le bien de tous et une baisse générale des prix.

Dito pour l’intégrateur Acrobat et son format PDF qui a rendu ‘lisible’ n’importe lequel des documents issus des formats les plus exotiques en les transformant ‘simplement’ en image. Acrobat a bel et bien été une révolution dans le processus d’interopérabilité, agissant là où personne ne l’attendait. Il en aura été de même avec le développement de multiples freewares à l’image de VLC et autres graveurs du genre XP Burner dotés de multiples codecs.

Les formats d’enregistrement magnétiques ont suivi le même parcours : Les cassettes Betamax créées par Sony en 1975 et destinées aux enregistrements TV grand public, considérées par tous comme le nec plus ultra [de l’époque] ont pourtant bel et bien été anéanties et totalement ingurgité en 1985, par le féroce VHS, dont les performances qualitatives étaient pourtant inférieures.

L’intégration s’est faite par absorption mais l’unicité des procédés d’enregistrement a prospéré.
D’autres fabricants à l’image de Sony persistent dans leurs spécificités.

Il n’y aurait qu’un intérêt limité à étaler le produit de la science sans en analyser l’histoire dont on devrait se nourrir et s’inspirer pour mieux évoluer. En disant ‘mieux évoluer’, je veux dire plus rapidement et de façon consensuelle. J’ajoute à cela que les incidences environnementales prennent et c’est heureux une place prépondérante. Le gaspillage des terres rares par leur surexploitation commence à sonner le glas de bien des technologies. La science commencerait-elle donc à se doter de conscience, fusse partiellement ?

L’histoire du ‘P’tit sous’

Mais la quête du ‘p’tit sous’ [célèbre saillie de Michel Piccoli dans le film ‘Le Sucre’] a toujours été le moteur préféré des industriels et ce moteur fonctionnant à la cupidité, l’orgueil et la vanité dont les réserves semblent inépuisables n’est pas prêt d’arrêter de tourner ! Il faut dire que par atavisme bien des consommateurs se tiennent prêt au ravitaillement par des achats compulsifs manquant souvent de discernement.

Je profite de l’occasion pour faire un parallèle avec les guerres sans merci que se livrent les industriels des smartphones, notamment en Chine.

La quête effrénée du ‘p’tit sou’ aura fait naître des processeurs octacore cadencés en 64 bits plus rapidement qu’il aura permis de s’adapter aux rapides évolutions d’Android ce qui confine à l’absurdité ! Mais là encore on ne peut blâmer les constructeurs qui ne font que s’adapter à la demande du market quitte à en anticiper -ou créer- les besoins [Cf. la fausse mode de pads arrière].

Un état de l’Art considéré comme objectif, réalisé par la HBS, a dénombré qu’une moyenne de cinq à neuf appareils et services connectés à base de technologie IOT équipent aujourd’hui les logements privés et les petites entreprises américaines. Ce faible taux d’équipement [toutes choses étant égales par ailleurs] met pourtant en œuvre plusieurs dizaines de milliers d’actions différentielles initiées en temps réel par des donneurs d’ordres distants et ce pour chacun des lieux de vie étudiés.

Chaque actionneur est ‘excité’ pour se connecter et interagir avec un ou plusieurs autres dans une seule maison ou une petite entreprise sur une journée ou une semaine donnée ce qui a pour effet de multiplier les ordres en progression de type exponentielle car le dénominateur commun est la maison ou l’entreprise = lieu unique. Et l’ajout d’un seul objet connecté dans un seul ensemble, devra devenir interopérable avec la globalité des autres ne fusse que pour éviter les conflits délétères. Cette problématique intellectuellement simple devient un véritable casse-tête technique pour les futurs ‘intégrateurs’ afin de les rendre les fameux objets connectés simplement utilisables, mais cette fois de façon transparente. Nous sommes loin du compte !

Je ne sais pas s’il est aujourd’hui possible d’envisager ce qui sera nécessaire pour concilier les multiples configurations, leur activation, leur intégration, leurs indispensables sauvegardes, etc., à travers ce réseau diversifié de dispositifs multiples d’ici 2020.

Futur royaume du hacker ?

Et puisque nous voilà à l’époque de l’Epiphanie pour certains, ajoutons une fève insidieuse et perverse dans la galette en effleurant seulement la complexité insondable des problématiques en matière de sécurité !

Car en effet, si tous les objets connectés, venaient contre vents et marées [aujourd’hui contraires], à être intégrés dans des formes de ‘concentrateurs’, véritables calculateurs portables, capables de discernements [Cf. une précédente publication], encore faudrait-il qu’aucune faille de sécurité n’ouvre en grand toutes les portes de nos intimités résidentielles, médicales, financières, familiales et bien d’autres encore.

Le risque sera multiplié de façon là aussi exponentielle par le nombre de résidents de chaque habitation, et encore l’approche de ce dénombrement est-il faux dès le départ sachant que bon nombre d’objets connectés seront actionnés à l’initiative de données collectées sur des sites d’informations extérieurs …

L’utilisation de très puissants smartphones me semble ici constituer une inéluctable et harmonieuse solution, pour tenter, à terme, de gérer la masse considérable de ces informations différentielles et souvent contradictoires.

Toutefois, il reste à savoir si l’avantage financier des développeurs d’OS se situe dans le développement d’architectures confidentielles et sécuritaires, ou si tout au contraire, nous avons tout à redouter d’avoir à souffrir des introspections malveillantes du marketing roi qui les abreuvent à bon compte de nos milliards de dollars !

Source Harvard Business School
Photo : http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_of_Things

Rédacteur Invité
Mo

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12 commentaires

  • Super bon article Mo…comme la HBR sait en sélectionner.
    Le protocole IP a permis l’explosion d’Internet car il est open source et donc accepté par la communauté des sociétés utilisatrices.
    Android a explosé car il est lui aussi open source (euh presque lol…enfin le noyau Linux l’est en tout cas).
    Il faudra pour l ‘IOT un OS qui soit open source pour que l’ensemble des objets connectés soient synchronisé de façon satisfaisante et nul doute qu’un consortium d’industriels et de labos publics soient en train de définir des standards à l’heure actuelle (standards.ieee.org/innovate/iot/).
    En effet, il serait dommage que mon boxer connecté déclenche à distance le chauffage de mon ‘home sweet home » suite à largage d’un pet foireux par inadvertance.

    En un mot comme en mille, vive l’open source et vive Linux.

    PEP C.E.

    PS : A ce propos, je suis déçu de ne pas voir Ubuntu Touch présent sur les smartphones chinois haut de gamme vendus à prix compétitifs.

  • Merci pour ton commentaire et tes nécessaires incrémentations, notamment le lien iee.org.
    La HBR est une source exceptionnelle, ‘tu le sais !’
    Désolé aussi de ne pas voir Ubuntu pointer son nez car l’Open source avec Google, c’est quand même un peu de la rigolade …
    PEP

  • mon dieu t’a pas mal a la tête lollll
    c’est de la masturbation intellectuel 🙂
    qu’est qu’on était heureux avant ce monde de connecté ^^

  • Merci mo pour ton article qui a vraiment éclairé ma lanterne sur le sujet. Comme d’habitude tu nous fais découvrir les multiples facettes de cette technologie impressionnante. Les défis sont multiples, les fabricants à la quete du pti’sous, les problèmes de compatibilité, le risque de se retrouver à la merci des hackers, mais en plus de tout ça, les objects connectés ne feront ils pas exploser la facture d’électricité mondiale ? ne faudrait il pas aussi aborder l’impact écologique des 80 milliard d’objects connectés attendus pour 2020 ?

    • Merci pour ton commentaire.

      Tu as raison @Anouz, il y a dans ce vent de folie un corollaire le plus souvent oublié qui est l’impact écologique très important conduisant à l’épuisement de ressources déjà très limitées.

      Je pense que ce phénomènes de mode qui pour le coup peut être qualifié de Geek (initialement : fondu, idiot, débile etc) va atteindre des sommets d’absurdité !

      A cela s’ajoute un risque déjà constaté de désocialisation et de déresponsabilisation au moins aussi grave.

  • Que dire de plus?

    Grâce à Mo on en apprend tous les jours.

    Avec quelques mots de tête bien sur.
    Sans compter que tous les maux écologiques induits aggravent encore plus « l’état sanitaire de notre planète »

    Planète Et Pépettes… ne font pas bon ménage!

  • Voici un court article sur ce que Intel prépare pour l’IOT –> generation-nt.com/intel-curie-wearable-computing-miniaturisation-ces-actualite-1910583.html
    On notera que l’OS embarqué serait un RTOS open source (lequel, on ne sait pas encore…).

    • Excellent CE et merci pour le suivi !

      Content de voir Intel se bouger avec son sérieux et sa détermination habituelle. Cela étant, les mises en garde possiblement prophétiques reprises dans la HBR, objet du post, promettent un proche avenir … délicat !

      PEP

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