Smartphone

Smartphone et diagnostic échographique

La FDA [Food and Drug Administration], vient d’autoriser la mise sur le marché américain d’un dispositif médical de pointe, jusqu’alors réservé aux Centres de Radiologie. Il s’agit d’un échographe portatif connecté à un smartphone, qui lui, fait office de calculateur et d’afficheur. Les processeurs 64 bits sont pour une fois indispensables !

J’avais déjà évoqué ce principe de dispositifs ambulatoires à venir dans de précédentes publications, mais aujourd’hui et dans ce domaine, la science fondamentale a accouché d’une technologie et d’un dispositif bien réel.

Cet échographe ambulatoire, allié à un smartphone, s’avère assez peu coûteux pour un cabinet médical, voire un médecin de ville, et d’une utilisation particulièrement aisée, car rigoureusement assistée par un programme dédié, distribué sur le smartphone. Il va donc contribuer à une forme de redistribution des responsabilités dans le diagnostic médical susceptible d’exacerber bien des états d’âme dans le Corpus !

Le système de santé américain est très coûteux, il en va de même en Europe et dans le monde. Le sens de l’histoire, c’est du moins une volonté politique aux USA, tend de façon prégnante à replacer bon nombre de thérapeutes de ville face à leurs responsabilités.

Ce petit article n’a pas pour objet de juger ou arbitrer cette problématique, mais de présenter un digest, en forme d’état de l’art, des quelques pratiques médicales et urgentistes actuelles. Je ne parlerai évidemment que des USA et du Canada, car on peut facilement imaginer qu’en France notamment, on est encore loin de la survenue de dispositifs susceptibles de faire éclater les clôtures bien hermétiques de bons nombres de prés-carrés médicaux !

Quoi qu’il en soit, un Doctorat en Médecine confère nonobstant au praticien le droit d’intervenir dans tous les domaines scientifiques exploratoires, qui sont devenus au fil des décennies, des domaines de spécialités : chirurgie, obstétrique, traumatologie, etc.

Partant, on peut légitimement se poser la question de savoir pourquoi ces spécialités sont apparues, surtout si l’on effectue un rapide flashback pour observer la médecine pratiquée par les ‘médecins de campagne’ en France, notamment mais aussi, bien évidemment, aux USA. Le recours à l’Hôpital n’était alors envisagé qu’en ultime recours et bien souvent il était synonyme de fin de vie.

Le cœur de la réponse est bien entendu que les évolutions de la médecine dans tous ses domaines d’expertise scientifique, a accru de façon notoire la complexité des examens et autres investigations. De ce fait, l’apparition de dispositifs de très hautes technologies, extrêmement coûteux, a largement contribué à la création de ces spécialités, et parallèlement à l’établissement de schémas de formations complémentaires indispensables à leurs utilisations optimales, et à l’analyse des résultats très prolixes ainsi fournis. L’argent, l’orgueil et la cupidité, on fait le reste, c’est toujours l’histoire du p’tit sous !

L’exemple qui nous intéresse aujourd’hui est un échographe portatif dont le coût moyen est de 5 000 à 7 000 US$ alors qu’un matériel dédié aux cabinets de radiologies spécialisés nécessitera un investissement minimum de l’ordre de 500.000 US$ hors toute informatique de traitement.

Mais bien évidemment, ce dispositif n’a pas pour objet de ‘détrôner’ l’expertise des centres spécialisés existants, mais d’éviter leur engorgement, et les surcoûts énormes pour les assurances publiques et privées, en donnant aux praticiens de ville la possibilité d’effectuer des explorations préalables rapides et peu coûteuses. Le diagnostic précoce sera ainsi accéléré, et le coût induit ne sera plus, ou beaucoup moins, un obstacle aux soins. Jusqu’à présent, 60 % de la population mondiale n’a pas accès à l’échographie pour des raisons de coût d’équipements, mais aussi d’absence de dispositifs permettant les diagnostics en ambulatoire, c’est-à-dire au domicile des patients.

Les images prises via cet échographe sont stockées sur la mémoire SD du smartphone [32Go suffisent largement pour une dizaine d’explorations différentes], et dès lors qu’il est nécessaire, les résultats demandant une expertise complémentaire, peuvent être envoyés par internet à un centre spécialisé qui pourra assurer la continuité du diagnostic puis des soins. Ainsi, le centre expert pourrait concentrer son activité sur les exceptions et non sur la multitude d’examens exploratoires [trop] souvent prescrits à titre conservatoire. Ainsi, posséder un échographe portable dans un cadre ambulatoire, donne des renseignements précieux qui améliorent grandement la capacité à diagnostiquer et à gérer les patients.

Applications cliniques prévues à ce jour :

Soins primaires : Ventre, Aorte, reins, vésicule biliaire, thyroïde, des tissus mous, cœur, organes vasculaire, implants, des corps étrangers, de la vessie etc.
Obstétrique et gynécologie : Confirmation de la grossesse / Dates, Viabilité, Placenta, présentation du fœtus, grossesse extra-utérine, l’évaluation liquide amniotique etc.

Médecine d’urgence: L’usage de l’échographie par les médecins urgentistes est en constante
progression depuis une dizaine d’années dans les structures d’urgences en Amérique du Nord. Elle
permet de répondre à un certain nombre de problèmes cliniques et est appelée
par certains « stéthoscope » moderne de l’examen d’urgence.

Examens type FAST : [Focused Assessment Sonography for Trauma], pour détecter l’impact d’un traumatisme, problème Vasculaire, Cardiaque, Petits organes, Poitrine, Obstétrique et gynécologie,
L’évaluation de la TVP [Thrombose Veineuse Profonde], l’accès vasculaire, examen de la carotide etc.
Examens de type FEEL: [Focused Echocardiographic Evaluation in LifeSupport]

Conclusion:

Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet aussi e m’en tiendrai à une réflexion personnelle qui vise à constater que le médecin de ville a pris l’habitude de ne pas engager de diagnostic sans avoir au préalable obtenu un avis ‘autorisé’ d’un spécialiste. C’est souvent une bonne chose certes, mais dans bien des cas, ces aller et retours continuels du cabinet médical aux centres experts prend un temps considérable et ralentit dangereusement les diagnostics.

Ainsi, une échographie précoce, hors cabinet spécialisé, réalisé par un médecin donc, pourrait sur le champ mettre en évidence un calcul rénal, une thrombose, l’existence d’une masse dans un organe mou, une anomalie cardiaque, un adénome de la prostate etc.

Les patients y trouveraient une première appréciation dans l’attente de l’exploration globale en centre spécialisé. Quant audit Centre, il pourrait apprécier d’être guidé directement vers une cible plutôt qu’avoir à établir un diagnostic exploratoire global, long, et fort coûteux. Le dispositif présenté n’entre pas dans la méthodologie d’une médecine de pauvre, bien au contraire, car il permet dans ce cas précis de mettre en place un système d’évaluation extrêmement rapide qui présente à mon sens d’énormes avantages.

On a appris récemment que le cancer du sein était fort mal détecté par les procédés radiologiques classiques. Il est évident qu’une exploration échographique renseignerait de façon plus précise quant à la présence d’une anomalie débouchant sur des explorations beaucoup plus poussées et sérieuses.

Il en va de même concernant l’adénome de la prostate, qu’il soit bénin ou malin. L’habituel toucher rectal ne renseigne que sur l’élasticité de la paroi prostatique, permet une évaluation [au doit ganté] de la taille de l’organe, mais ne dit rien de plus. Une exploration échographique n’aurait pas la pertinence d’une biopsie certes, mais donnerait de façon très rapide un état précis de la taille de l’organe et de la présence ou non d’une masse suspecte. L’exploration actuelle fait passer le patient par un toucher rectal, suivi d’une analyse de sang à la recherche du taux de PSA, puis d’une visite au radiologue pour une échographie, et enfin d’une biopsie pour analyse … au total, il faudra attendre environ 2 mois pour disposer d’un diagnostic de référence !

Que dire en ce qui concerne les pathologies respiratoires ou cardiaques ?

D’autres dispositifs à suivre !
Rédacteur invité : mo

Les données scientifiques du sujet et des exemples abordés se trouvent ici :

1. Hinglais É. Intérêt de l’échographie dans un service d’urgences. Le Praticien en Anesthésie Réanimation 2007 ; 11(3) : 208-11.
2. Choi D. Emergency ultrasound: a stethoscope extension? CJEM. 2008 Nov ; 10(6) : 579-80.
3. Stengel D., Bauwens K., Sehouli J., Rademacher G., Mutze S., Ekkernkamp A., et al. Emergency ultrasound-based algorithms for diagnosing blunt abdominal trauma. Cochrane Database Syst Rev 2005(2) : CD004446.
4. Emergency ultrasound guidelines. Ann Emerg Med 2009 Apr ; 53(4) : 550-70.
5. McKenney M.G., Martin L., Lentz K., Lopez C., Sleeman D., Aristide G., et al. 1,000 consecutive ultrasounds for blunt abdominal trauma. J Trauma 1996 Apr ; 40(4) : 607-10 ; discussion 11-2.
6. Frezza E.E., Ferone T., Martin M. Surgical residents and ultrasound technician accuracy and cost-effectiveness of ultrasound in trauma. Am Surg 1999 Mar ; 65(3) :289-91.
7. Scalea T.M., Rodriguez A., Chiu W.C., Brenneman F.D., Fallon W.F., Jr., Kato K., et al.
Focused Assessment with Sonography for Trauma (FAST): results from an international consensus conference. J Trauma 1999 Mar ; 46(3) : 466-72.
8. Bahner D., Blaivas M., Cohen H.L., Fox J.C., Hoffenberg S., Kendall J., et al. AIUM practice guideline for the performance of the focused assessment with Sonography for trauma (FAST) examination. J Ultrasound Med 2008 Feb ; 27(2) : 313-8.
9. Smith Z.A., Wood D. Emergency focussed assessment with sonography in trauma
(FAST) and haemodynamic stability. Emerg Med J 2013 Feb 13.
10. Price S., Ilper H., Uddin S., Steiger H.V., Seeger F.H., Schellhaas S., et al. Periresuscitation echocardiography: training the novice practitioner. Resuscitation. 2010 Nov ; 81(11) : 1534-9.
11. Querellou E., Leyral J., Brun C., Levy D., Bessereau J., Meyran D., et al. In and out-ofhospital cardiac arrest and echography: a review. Ann Fr Anesth Reanim 2009 Sep ; 28(9) : 769-78.
12. Breitkreutz R., Price S., Steiger H.V., Seeger F.H., Ilper H., Ackermann H., et al. Focused echocardiographic evaluation in life support and peri-resuscitation of emergency patients: a prospective trial. Resuscitation 2010 Nov ; 81(11) : 1527-33.
13. Hagendorff A. [Echocardiography in emergency diagnostics]. Herz 2012 Sep ; 37(6) :
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14. Lichtenstein D. [Pulmonary echography: a method of the future in emergency medicine and resuscitation]. Rev Pneumol Clin 1997 ; 53(2) : 63-8.
15. Lichtenstein D. Lung ultrasound in acute respiratory failure an introduction to the BLUE-protocol. Minerva Anestesiol 2009 May ; 75(5) : 313-7.
16. Alrajhi K., Woo M.Y., Vaillancourt C. Test characteristics of ultrasonography for thedetection of pneumothorax: a systematic review and meta-analysis. Chest 2012 Mar ; 141(3) : 703-8.
17. Ding W., Shen Y., Yang J., He X., Zhang M. Diagnosis of pneumothorax by radiography and ultrasonography: a meta-analysis. Chest 2011 Oct ; 140(4) : 859-66.
18. Kloth J.K., Kauczor H.U., Hosch W. [Imaging in the emergency room]. Med Klin Intensivmed Notfmed 2011 Oct ; 106(2) : 82-8.
19. Burger R., Hassler W. [Transcranial Doppler ultrasound in craniocerebral trauma:
valuable method in traumatologic emergency cases?]. Aktuelle Traumatol 1993 Feb ;
23(1) : 14-9.
20. Tazarourte K., Atchabahian A., Tourtier J.P., David J.S., Ract C., Savary D., et al. Prehospital transcranial Doppler in severe traumatic brain injury: a pilot study. Acta Anaesthesiol Scand 2011 Apr ; 55(4) : 422-8.
21. Yeo L.L., Sharma V.K. Role of transcranial Doppler ultrasonography in cerebrovascular disease. Recent Pat CNS Drug Discov 2010 Jan ; 5(1) : 1-13.
22. Tazarourte K., Atchabahian A., Vigue B., Tourtier J.P. Advocating for transcranial Doppler: a tool to detect early neurological deterioration. J Trauma 2010 Sep ; 69(3) : 73-4.
23. Pomero F., Dentali F., Borretta V., Bonzini M., Melchio R., Douketis J.D., et al. Accuracy of emergency physician-performed ultrasonography in the diagnosis of deepvein thrombosis: a systematic review and meta-analysis. Thromb Haemost 2013 Jan ;
109(1) : 137-45.

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10 commentaires

  • bonjour
    l’échographie en pratique ambulatoire bovine aussi.
    Une sonde sectorielle est un atout, mais la transrectale ne doit pas être sous estimée.

    • Bonjour,

      Je n’ai pas fait l’état de l’art en matière d’échographie ambulatoire.
      Merci pour ta remarque qui complète bien le sujet tout en venant confirmer tout l’intérêt du procédé.

  • Merci mo pour cet article très passionnant pour moi. Il est vrai que depuis un bon bout de temps, dans le domaine des urgences surtout on rêvait d’une forme d’échographie dans les mains d’urgentistes simple, rapide et disponible pour répondre à des applications ciblées et ainsi mieux gérer des flux élevés d’urgence. Une sorte de prolongement de la main de l’urgentiste.
    Le dispositif dont tu parles est juste la solution miracle surtout pour la facilité de la réalisation technique : pour l’urgentiste pas besoin d’avoir une formation éclectique en échographie. (Mais être geek est un plus 🙂 )
    Les avantages sont nombreux :
    – moins d’attente pour le patient.
    – pour le service des urgences : diminution de la durée d’occupation.
    – pour le service d’imagerie : ce dispositif permettra un triage en amont limitant ainsi le nombre d’examens.
    – faible coût d’acquisition.
    – entretien aisé.
    – matériel non encombrant, faible volume et faible poids.
    Autant d’atouts en faveur de la généralisation de cette nouvelle technique.

    • Bonjour Anouz,

      Merci pour ton intérêt.

      Tu dis juste, mais comme je l’écris, ce que la FDA vient d’agréer pour les USA et l’Alena en général n’est pas près d’investir les cabinets médiaux français !

      Et c’est grand dommage car le bénéfice / risque / coût est largement en faveur de l’ambulatoire !

      PEP

  • bonjour
    plus de 5 000$ pour un échographe portatif qui a mon avis ne dépasse pas le premier trimestre 🙂
    un jolie gadget un peu chère a mon gout ^^

    • Salut,
      Ce n’est pas un dispositif très utile pour le grand public mais plutôt réservé aux professionnels de santé.
      Par contre, ça n’a rien d’un gadget !
      PEP

    • Et il ne concerne pas uniquement les grossesses si j’ai bien compris ton commentaire Chouchouille28.
      De plus ce n’est pas un simple gadget destiné au grand public même si son aspect portatif le laisserai penser de prime abord.
      PEP

  • En parlant de France, Je te propose mo des extraits d’un article produit en 2001 par le Groupe Hospitalier Bichat Claude Bernard à Paris portant sur LE CHOIX D’UN MATERIEL ECHOGRAPHIQUE POUR LES URGENCES, dans lequel des médecins essaient d’imaginer une nouvelle forme d’échographie dans les mains d’urgentistes. Edifiant !

    ………. Le deuxième besoin en échographie aux urgences est la réponse rapide à des questions plus simples, dans le cadre de l’échographie d’orientation…….Dans ces cas le choix porte alors sur un appareil très rapidement mobilisable. Ceci signifie un faible volume, un faible poids ………. Plus qu’une sacoche sans support, la préférence ira souvent au positionnement sur un pied mobile……..Ces appareils devront avoir une certaine autonomie (batterie), être branchés sur une prise secteur classique et être rapides au démarrage. Ils devront être équipés d’un panel réduit de sondes,

    L’écran ne devra pas être trop petit et avoir une qualité permettant une lecture dans une ambiance lumineuse relativement intense, comme cela est souvent le cas dans un service d’urgence.
    Il faut prévoir la possibilité de garder une trace iconographique de la région ou de l’anomalie visualisée…………Il est intéressant que ces appareils puissent mémoriser un minimum d’images, pour en permettre la relecture a posteriori.
    L’entretien de ces appareils devra être aisé et leur coût (acquisition, maintenance) réellement abordable, si l’on veut pouvoir répondre à l’objectif d’une diffusion de cette pratique.
    Les réglages de l’appareil devront être simplifiés, et l’appareil proposer des préréglages adaptés prenant en compte la région d’intérêt voire l’estimation de la corpulence du patient.

    Séminaire SFMU 2001
    L’échographie aux Urgences

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